Le cyberterrorisme et la nécessité de renforcer la sécurité informatique

  • | Saturday, 4 January, 2020
Le cyberterrorisme et la nécessité de renforcer la sécurité informatique

     L’instrumentalisation des médias électroniques dans la propagation des idéologies extrémistes est un procédé énormément grave vu qu’il consiste à mobiliser les ressources informatiques et les moyens électroniques dans la manipulation des récepteurs. Les systèmes électroniques et l’infrastructure informatique sont désormais l’un des moyens les plus utilisés par les terroristes.

Quand l’organisation État islamique (Daech) s’est emparée de Moussol en juin 2014, elle ne s’est pas contentée de la progression de ses troupes sur le terrain : elle a lancé, en parallèle, une campagne sur Twitter. Au bout de quelques heures du lancement du hashtag (#AllEyesonISIS), qui veut dire « tous les regards sur l’EI », les photos témoignant la brutalité de cette organisation terroriste se sont répandues pour semer la terreur dans les cœurs de tout le monde.

En conséquence, l’armée irakienne à Moussol, dont les troupes sont cinq fois plus que les combattants de Daech, s’est désintégrée et a pris fuite. Ce qui a permis à moins de 2000 combattants daéchiens de contrôler la ville de Moussol qui compte environ 1,5 million d’habitants. Cette propagande électronique est un moyen indirect pour le recrutement des jeunes, la promotion d’une idéologie mensongère et déviante, et aussi pour la diffusion des rumeurs en vue de gagner du terrain et attirer davantage des jeunes.

Malheureusement, le cyberterrorisme se distingue des autres types de terrorisme par sa célérité, sa capacité à se dissimuler et à dépasser les frontières internationales. Nul groupe d’extrémistes ou de terroristes n’est plus en mesure d’exécuter ses entreprises criminelles sans aucun recours au réseau Web. En plus, les cyberattaques entreprises contre plusieurs sites gouvernementaux ou privés font appel au renforcement des mesures de sécurité électronique dans tous les domaines informatiques sur le plan mondial, surtout après l’émergence de ses groupes terroristes actifs qui menacent de perpétrer des cyberattaques.

Les pays du monde ont déjà subi des attaques, et souffrent encore des conséquences du recours des organisations terroristes au réseau Web qui leur a permis d’influencer un grand nombre de jeunes dans les quatre coins du monde. Pour atteindre ce but, leurs moyens varient en fonction du contexte géographique, social et même en tenant compte des variantes psychologiques et idéologiques chez la majorité des jeunes.

Les lignes à suivre prouvent l’ampleur de l’influence du Web et, en citant des exemples de divers contextes internationaux, témoigne de son rôle dans la polarisation et le recrutement des jeunes dans les différents pays :

Le contexte espagnol

Hormis les plateformes qui diffusent occasionnellement des messages (écrits ou filmés) en arabe ou en anglais, mais sous-titrés en espagnol ou accompagnées de menaces prononcées par l’un des combattants espagnols, les organisations terroristes ne disposent d’aucune plateforme médiatique hispanophone. Pourtant, Daech a réussi à attirer beaucoup de jeunes en Espagne au cours de ces dernières années. Les recrutements se poursuivent encore sur les divers réseaux sociaux à partir des comptes personnels, ou encore via les applications Whatsapp et Telegram. Il y avait par ailleurs des cellules qui s’occupaient du recrutement. Ces cellules étaient démantelées dès qu’on les a détectées. Elles ont cependant contribué à soutenir les organisations terroristes via les transferts de fonds et l’envoi de nouveaux combattants aux zones de conflit en Syrie et en Iraq.

D’après certains rapports spécialisés dans la suivie des médias terroristes, la langue espagnole occupe la treizième place parmi les langues utilisées par Daech pour promouvoir ses idées et ses stratégies.

Le contexte africain

Les groupes terroristes en Afrique – tels que le « mouvement des jeunes combattants » en Somalie, « Boko Haram » au Nigéria, le « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans » au Mali ainsi que d’autres groupes extrémistes – ont eu recours à l’instrumentalisation des médias pour faire la propagande de leurs objectifs et buts. Ils les ont également utilisés pour tromper les services de sécurité et diffuser les actualités sur leurs opérations terroristes. Ces groupes ont adopté la stratégie de la « tromperie médiatique » qui consiste à présenter au public des informations déformées, parfois fausses en vue de pousser le récepteur vers une prise de position favorable à leurs intérêts et à la réalisation de leurs objectifs. Il y a en plus la stratégie des guerres psychologiques menées par ces groupes, via leurs sites et tribunes médiatiques, afin d’influer sur leurs ennemis.

Il est aussi à noter qu’un nombre de pages Web, propageant des idées extrémistes, ont été fermées. En revanche, les groupes extrémistes ont mobilisé leurs bataillons électroniques contre les sites opposants. Ces bataillons électroniques ont visé la page Facebook de l’une des unités de l’Observatoire d’Al-Azhar (celle de la langue swahilie) pour faire taire cette voix qui dénonce et dévoile leurs fausses allégations et leurs croyances corrompues. Ils ont réussi à fermer provisoirement la page avant que l’Observatoire ne la récupère et que l’unité de swahili ne reprenne son activité de lutte numérique contre l’extrémisme.

Le contexte anglais

Depuis 2015, suite à une série d’attentats de Daech, les responsables des sites Facebook, Twitter et YouTube ont supprimé tout contenu lié à cette organisation terroriste et ont, en plus, imposé de nouvelles contraintes à la publication des contenus pareils. Daech a ensuite recouru à l’utilisation des réseaux sociaux alternatifs (tels que : Telegram, Justpaste.it, Surespot et TikTok) pour pouvoir diffuser ces contenus sans laisser aux pouvoirs la possibilité de les tracer. Daech a également commencé à utiliser les hashtags qui permettaient à ses membres et ses sympathisants de poursuivre les actualités de l’organisation via la recherche des mots clés spécifiques (tels que : #KhalifaNews, #CalamityWillBefalltheUS et #theFridayofSupportingISIS). Récemment, cette organisation terroriste a eu recours au « Web profond », l’un des moyens technologiques sans trace, soit pour l’émetteur, soit pour le récepteur.

Rôle des gouvernements dans la lutte contre le cyberterrorisme

Maints gouvernements internationaux se sont rendu compte de la gravité de ces phénomènes, à savoir « le cyberextrémisme et le cyberterrorisme ». Ils déploient désormais un grand effort pour intercepter la propagation des idéologies de ces groupes sanglants via les plateformes électroniques, surtout les réseaux sociaux. Suite aux attaques sanglantes récemment survenues dans plusieurs pays du monde, les gouvernements, les organisations internationales, les institutions et les compagnies informatiques ont procédé à rechercher les possibilités d’une coopération à long terme aussi bien que l’adoption d’un paquet de nouvelles mesures dans le but de protéger la liberté d’expression en même temps que de mettre fin à la propagation des contenus extrémistes en ligne. C’est un pas sur le chemin de lutte contre le "cyberextrémisme", il s’agit de rendre l’Internet plus sécurisé afin d’éviter les risques potentiels.

À titre d’exemple, après la tuerie des deux mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande en 2019, le Président français Emmanuel Macron et la Première ministre néozélandaise Jacinda Ardern ont lancé, avec d’autres leaders mondiaux et des responsables des plus grandes compagnies informatiques, l’« Appel de Christchurch », une initiative pour la lutte contre le cyberextrémisme.

D’ailleurs, la députée française Laetitia Avia (La République en marche) a porté, le 3 juillet 2019, dans le cadre de la mise à jour des lois françaises de lutte contre le cyberextrémisme, une proposition de loi contre les contenus haineux sur Internet. Cette proposition de loi vise à mettre devant leurs responsabilités les plateformes électroniques pour qu’elles appliquent des mesures plus effectives et sévères contre les propagateurs des contenus numériques à caractère extrémiste ou terroriste.

En Allemagne, le ministère de l’Intérieur procède à des réformes relatives à la lutte contre le cyberextrémisme. Il a soutenu le service anticriminalité par des cadres humains spécialisés dans l’affaire. De même, un organisme national de lutte contre les crimes de haine en ligne sera créé pour surveiller le Web en coopération avec les fournisseurs d’accès Internet et les responsables des réseaux sociaux. Il s’agit d’un bureau central pour la poursuite des crimes Internet, émergeant du bureau anticriminalité, et travaillant en coopération avec la police fédérale et le Service de la sécurité nationale.

Dans le cadre de ces mesures du contrôle du Web et de plateformes des réseaux sociaux, les fournisseurs de services Internet seront obligés de signaler à l’organisme de lutte contre le crime les activités haineuses ou d’incitation à la haine au lieu de les supprimer comme auparavant. C’est un pas dans la bonne direction pour renforcer la transparence et la coopération entre les fournisseurs du service Web et les autorités sécuritaires.

Au Pakistan, en même temps que se font entendre des voix appelant à surveiller les plateformes et à censurer les contenus qui y sont publiés, il y en a d’autres voix opposantes qui considèrent de telles mesures comme oppressantes et contre la liberté d’expression. L’un des journalistes estime convenable, pour réduire la propagation d’extrémisme religieux et de terrorisme, d’engager des poursuites contre quiconque impliqué dans le discours haineux, mais sans que cela se transforme en un moyen de répression contre les critiques visant les politiques du gouvernement.

Selon des journaux locaux, le gouvernement d’Imran Khan a lancé une campagne contre le discours haineux et l’utilisation abusive des médias sociaux, et ce pour contrer les propagateurs d’extrémisme religieux et de terrorisme. Le gouvernement pakistanais a annoncé la constitution d’un groupe de travail composé de représentants de l’Agence fédérale d’investigations et d’autres Services sécuritaires. La tâche de ce groupe sera de contrôler les plateformes des réseaux sociaux, de les surveiller d’éliminer les faux comptes et de poursuivre quiconque viole les lois régissant l’Internet au Pakistan.

En plus, le comité de l’Assemblée nationale pour la technologie informatique et la télécommunication a exprimé la possibilité de bloquer les réseaux sociaux (tels que : Twitter, Facebook et YouTube) dans les administrations publiques pendant les heures de travail afin de réduire les fuites d’informations officielles.

Quant à l’Inde, le gouvernement indien a annoncé, en octobre 2019 via le document juridique qu’il a déposé auprès du tribunal suprême, avoir l’intention d’appliquer des règlements de contrôle sur les réseaux sociaux, vu que ces derniers sont susceptibles d’être nuisibles aux affaires publiques dans le pays. Le gouvernement a précisé avoir besoin d’une durée de trois mois pour l’établissement de règles régissant le fonctionnement de ces plateformes. Ces règles auront pour fonction d’enrayer la publication et la circulation des rumeurs et des informations fabriquées. Elles viseront non seulement à mettre fin aux menaces accrues contre les droits de l’individu, mais aussi à garantir la sécurité de la nation, sa souveraineté et sa cohésion.

En outre, environ 1,3 million de gazouillis contenant de propos haineux ont été signalés à Twitter lors des six derniers mois. Quant à Facebook, les responsables du site ont supprimé à peu près 4 millions de publications au cours du premier trimestre de 2019, contre 3,3 millions au cours du dernier trimestre de 2018, et 2,5 millions au premier trimestre de 2018. Enfin le site YouTube a supprimé, pendant le dernier trimestre de l’an 2018, environ 16 600 chaînes, 49 600 vidéos contenant des scènes violentes et 18 950 autres vidéos au contenu offensif ou haineux. Ce sont là des nombres qui témoignent d’une hausse visible de tels contenus.

Recommandations

Sans aucun doute les organisations terroristes s’efforcent de tirer profit de toute occasion possible pour recruter de nouveaux membres. Afin de pouvoir les contrer, la société internationale, les gouvernements, les organismes civils, religieux et politiques doivent adopter un paquet de stratégies capables de mettre les jeunes à l’abri des idéologies déviées et irrégulières répandues par ces organisations terroristes. De son côté, l’Observatoire d’Al-Azhar appelle à :

La mise en œuvre des lois qui concernent la lutte contre les crimes numériques afin de tarir les sources des idéologies extrémistes.

La formation d’une large équipe de spécialistes qui auront pour mission de repérer et de poursuivre constamment les sites diffusant les idéologies extrémistes ou takfiristes, et qui, par la suite, signaleront ces sites aux autorités compétentes pour les bloquer et protéger nos jeunes d’être en proie à l’extrémisme.

La publication, sur les sites Internet et les réseaux sociaux, des messages anti-extrémistes ayant pour but de réfuter les fausses allégations propagées par les organisations terroristes.

Lancer des campagnes électroniques dans le cyberespace en coopération avec les centres de lutte contre les idéologies extrémistes. Des campagnes qui se composent d’images, de vidéos, de hashtags, de sondages et de discussions interactives, diffusant des messages qui montrent la déviation des méthodes adoptées par les groupes extrémistes et qui exposent leurs mensonges.

La production des films cinématographiques promouvant les bonnes conduites et les idéologies correctes du juste milieu, pour consolider les principes de coexistence pacifique et de sympathie entre les différentes nations.

Encourager la société civile à prendre part dans la lutte numérique et médiatique en vue d’une meilleure couverture de cet espace ouvert devant les groupes terroristes.

Développer un système éducatif travaillant pour la propagation de la culture de tolérance et d’acceptation de l’autre ; un système permettant la formation des jeunes possédant un esprit critique et une vaste culture qui les protègent contre les idées extrémistes.

Augmenter - dans le cadre d’une coopération entre les institutions religieuses, les organismes de la société civile et les médias - le nombre des émissions qui aident à consolider les valeurs religieuses positives, et qui répandent la tolérance et l’acceptation de l’autre.

Tenir des conférences éducatives aux universités pour sensibiliser les jeunes et les mettre en garde contre la fausse propagande de Daech.

Adopter des programmes de réforme et de formation dédiés aux condamnés pour le terrorisme. Déployer plus d’effort pour réformer les fondements de ressources de la connaissance.

Observatoire d’Al-Azhar pour la lutte contre l’extrémisme

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