Déclaration d’Al-Azhar sur la citoyenneté et le vivre ensemble

Prononcée par son Éminence le Grand Imam

  • | Monday, 6 March, 2017
Déclaration d’Al-Azhar sur la citoyenneté et le vivre ensemble

Au nom d’Allah, Le Clément, Le Miséricordieux

 

Déclaration d’Al-Azhar

sur la citoyenneté et le vivre ensemble

 

Pour répondre aux besoins renouvelables que les sociétés arabes aspirent à  réaliser.

Pour faire face aux défis auxquels sont exposés  la religion, la société et les Etats nationaux.

Conscients  de beaucoup de dangers qui entravent  l'expérience de  la diversité religieuse unique dans nos sociétés et dans notre domaine civilisationnel;

En vue de poursuivre les efforts, les documents et les initiatives unilatérales et communes présentés par Al-Azhar et les autres institutions et organisations religieuses et civiles dans le monde arabe ces dernières années.    

Partant de la volonté islamo-chrétienne insistant sur le vivre ensemble, sur le  refus de l’extrémisme et sur  la condamnation de la violence et des crimes commis au nom de la religion, dont elle est  innocente, tel qu'il a été mentionné  dans la « déclaration d’Al-Azhar sur  la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme » en 2014, et à des conférences et rencontres communes qui l’ont suivie;

Partant de tout ce qui précède, Al-Azhar ach-Charif  et le Conseil de Sages Musulmans  ont décidé  d’organiser  une  conférence intitulée : « La liberté et la citoyenneté .. La diversité et l’intégration » à laquelle ont assisté   plus de deux cents personnalités d'élites religieuses, civiles, intellectuelles politiques, musulmanes et chrétiennes de plus de soixante pays du monde arabe  et non arabe. De même, beaucoup d’hommes politiques, intellectuels, d'hommes de culture, et de média égyptiens y ont participé. 

Pendant  deux jours (le 28 février et le 1er mars 2017) animés de panels, de discussions autour des questions et sujets relatifs à la citoyenneté, à la liberté, à la diversité, ainsi que des expériences, des  défis, des interventions et des initiatives.

 les participants se sont convenus de délivrer « la déclaration d’Al-Azhar » portant les articles suivants :

Premièrement :

Le terme « citoyenneté » est un terme originel en islam, il a été prévu pour la première fois  dans la « Constitution de Médine » ainsi que dans les missives  et pactes du Prophète (BSL) qui l'ont suivie et dans lesquels le Prophète a jeté les bases de la relation des musulmans avec les non musulmans. La  déclaration s'empresse d'affirmer  que la citoyenneté n'est pas une solution importée; mais il s’agit d’une restauration de la première pratique islamique du  régime politique exercé par  le  Prophète (BSL) dans la première communauté musulmane qu’il a fondée: l’Etat de Médine.

Cette pratique ne comportait aucune trace de discrimination ni d'exclusion de n’importe quel groupe de la société à cette époque. mais, elle comportait  des politiques respectant  la diversité religieuse, ethnique et sociale. C'est une diversité qui ne peut fonctionner  que dans le cadre de la citoyenneté parfaite et de l’égalité qui ont été prévues  dans la Constitution de Médine en ces termes:. les groupes sociaux différents en religion ou en ethnie constituent « une seule nation à l’exclusion des autres hommes » et que les non musulmans ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que ceux des musulmans.

Eu égard à tout  ce qui précède, les sociétés arabes et islamiques possèdent un patrimoine enraciné dans  la pratique du vivre ensemble  dans la même  société,  fondée  sur la diversité, la pluralité et la reconnaissance mutuelle.

Etant donné que ces principes constants, ces valeurs et ces traditions tolérantes ont subi, et elles subissent encore des défis intérieurs et extérieurs, l'Al-Azhar et le Conseil des Sages Musulmans et les chrétiens de l’Orient se rencontrent aujourd’hui sur la base de la croyance en l’égalité entre les musulmans et les chrétiens dans  les patries, les droits et les devoirs; car ils sont considérés comme « une seule nation, aux musulmans leur religion et aux chrétiens leur religion »  tel que  le Prophète (BSL) a stipulé dans la constitution de Médine.

En conséquence, les responsabilités patriotiques sont des responsabilités qui engagent tous.

Deuxièmement :

L'adoption des notions  de citoyenneté, d’égalité et de droits exige nécessairement  la condamnation des actes qui s’opposent  au  principe de citoyenneté, des pratiques désavouées par la Chari‘a islamique, ces pratiques qui reposent  sur la discrimination entre le musulman et le non musulman,  qui conduisent  à des pratiques de mépris, de marginalisation, de double mesure, aussi bien que à  la poursuite, à l’oppression, au déplacement, au meurtre, et à d'autres comportements désapprouvés  par l’islam et condamnés  par toutes les religions et coutumes. 

En effet, le premier facteur de la cohésion et de la consolidation  de la volonté commune est  l’Etat national fondé sur les principes de citoyenneté, d’égalité et de primauté de la Loi. Par conséquent, l’exclusion du principe de citoyenneté en tant que contrat entre les citoyens, les sociétés et les Etats conduit à l’échec des Etats, à la faillite des institutions religieuses, des élites intellectuelles et politiques, ainsi qu' à l'arrêt  du développement et du progrès. Aussi l'exclusion de ce principe permet-elle  aux ennemis de l’Etat et de sa stabilité de saboter  les sorts et destins des patries.

En outre, la méconnaissance des notions  de citoyenneté et ses exigences encourage à parler des minorités et de leurs droits.  

Partant de ces points, la déclaration espère que les intellectuels et cultivés fassent attention au danger de continuer à utiliser le terme « minorités », qui implique les sens de discrimination et de dissociation en prétendant que sous prétexte de confirmer leurs droits. Nous avons assisté ces  dernières années à la réapparition du terme « minorités » dans le but  d'affirmer  les droits. Nous avons vu ces dernières années, la montée du terme "minorités" de nouveau, que  nous pensions être disparu avec la fin de la période coloniale. Mais, le terme a été réutilisé récemment dans afin de  semer la discorde entre les musulmans et les chrétiens, voire entre les musulmans eux-mêmes; car ce terme conduit à la partition des appartenances, et à se concentrer sur  la dépendance des projets de déstabilisation  étrangers.

Troisièmement :

Vu que les phénomènes de violence, d'extrémisme et de terrorisme se sont répandus ces dernières décennies et dont les auteurs prétendent justifier leur actions par  la religion, vu les pressions, l'intimidation, la déportation, la poursuite et l'enlèvement  auxquels s'exposent les adeptes des religions et de diverses cultures, les musulmans et chrétiens réunis à la conférence d'Al-Azhar déclarent que toutes les religions sont innocentes du terrorisme sous toutes ses formes. ils le dénoncent très fort, le désapprouvent avec la dernière énergie . ils  adressent un message direct à ceux qui stigmatisent les religions du terrorisme et de la violence de revenir immédiatement sur cette accusation qui s'est établie dans les esprits des gens en raison de ces fautes et prétentions  volontaires ou involontaires.

Les participants à la conférence estiment que le fait de présenter l'Islam comme responsable de ces actes odieux commis par certains de ses adhérents ouvre grandement la porte  à la qualification de toutes les religions d'être à l'origine du terrorisme. Ce qui donne par la suite occasion  aux fanatiques de la modernité d' en finir avec  les religions sous prétexte de la stabilité des sociétés.

Quatrièmement :

La première priorité des États nationaux est la  protection des droits des citoyens, de leurs libertés, de leurs biens, de leurs autres droits de citoyenneté, de leur dignité, de leur humanité. Les Etats ne sauraient se désengager de cette priorité; car la préservation de  la vie des citoyens et leurs droits en dépend.. Il ne faut en aucun cas rivaliser avec l'État à remplir ce rôle originel. L'histoire  proche et lointaine est riche d'exemples qui témoignent que l'affaiblissement de  l'État aboutit à la violation des droits de leurs citoyens, que leur  puissance est  celle de leur citoyens et que les élites cultivées et patriotiques ainsi que les intéressés aux affaires publiques dans les pays arabes assument  de grandes responsabilités  à côté de l'État dans la lutte contre les phénomènes de violence incontrôlée;  que ce soit pour  des raisons religieuses, ou ethniques, ou culturelles ou sociales.

Nous sommes tous invités aujourd'hui  du fait  de la même appartenance et du même destin  à la solidarité et à la coopération  afin de préserver notre existence humaine, sociale, religieuse et politique. Les injustices sont partagées, les intérêts le sont également. Ce qui exige par la suite un travail commun dont nous reconnaissons tous la nécessité.. Il faut que ce sentiment se traduit en des mesures concrètes dans tous les domaines de la vie religieuse, sociale, culturelle  et patriotique.

 

 

 

Cinquièmement,

Ces dernières années, nous, institutions et individus, avons fourni des efforts pour la révision, la rectification, la formation et la refondation.

Nous, musulmans et chrétiens, avons besoin d'avantage  de révisions pour le renouveau et le développement dans notre culture et dans les pratiques de nos institutions.

L'établissement des contacts avec les institutions religieuses dans le monde arabe et dans le monde le plus large faisait partie de ces révisions. On a noué des relations avec le Vatican, avec l'Archevêque de Canterbury et avec le Conseil des Églises mondiales.

Nous aspirons à plus de relations avec toutes les institutions religieuses, médiatiques et culturelles dans le monde Arabe pour œuvrer ensemble dans les domaines de l'orientation, de l'éducation religieuse et morale, de la formation à la citoyenneté, et de l'établissement des relations de bonne entente avec les institutions religieuses de partout afin de consolider  le dialogue islamo-chrétien et le dialogue entre les civilisations.       

Sixièmement :

Al-Azhar ainsi que le Conseil de Sages Musulmans visent, en organisant cette conférence, à établir un partenariat renouvelable ou bien un nouveau contrat  entre tous les arabes, qu’ils soient musulmans ou chrétiens ou bien adeptes des autres appartenances. Un lien basé sur l’entente, la reconnaissance mutuelle, la citoyenneté et la liberté. Ce que nous envisageons ici n’est pas seulement une bonne option, mais il s’agit d’une nécessité urgente de la vie et une évolution de nos sociétés, nos pays, nos personnes et nos générations. 

Le Messager d’Allah (BSL) nous a présenté un modèle à suivre dans le domaine de partenariat et du lien basé sur le même groupe  en donnant l’exemple d’un groupe d’hommes qui étaient sur un bateau à deux étages. Ceux qui résidaient à l’étage inférieur avaient la gêne, car ils passaient par les résidents de l’étage supérieur quand ils voulaient apporter de l’eau à boire (de la rivière). Ils disaient alors : « Si on perçait  un trou dans notre partie du bateau, nous aurions de l’eau sans gêner nos voisins de l’étage supérieur ». Le Prophète commenta en disant : « Si le groupe de l’étage supérieur laissaient leurs voisins faire ce qu’ils voulaient, ils mourraient tous. s’ils les empêchaient, ils survivraient tous ».

Nous sommes les résidents d'un même bateau et les citoyens de la même société, nous confrontons les mêmes dangers qui menacent nos vies, nos sociétés, nos pays et toutes nos religions. Nous voulons donc, par une volonté commune, par l’appartenance commune et par le destin commun participer ensemble, à travers le travail sérieux, à sauver nos sociétés et nos pays, à réformer nos relations avec le monde pour préparer, pour nos enfants, des bonnes chances pour un avenir prometteur et une meilleure vie.  

En effet, les deux parties réunies  musulmane et chrétienne renouvellent les pactes de leur fraternité, de leur refus des tentatives qui visent leur dispersion et qui présentent les chrétiens comme des cibles dans leurs patries. Elles confirment que, quelque soit ce que le terrorisme a fait et fait encore entre nous pour déformer notre expérience  commune  et pour cibler les nécessités de la vie dans nos sociétés, il (le terrorisme) ne pourra jamais affaiblir notre détermination à continuer de vivre ensemble et à évoluer ce principe et à confirmer la citoyenneté tant dans la pensée  que dans la pratique.

Allah Seul connait les  intentions

Traduit par le Centre d'Al-Azhar pour la traduction.

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