Discours de Son Eminence le Grand Imam de l'Azhar

lors de la conférence internationale de l'Iftā'

  • | Thursday, 20 August, 2015
Discours de Son Eminence le Grand Imam de l'Azhar


Discours de Son Eminence le Grand Imam de l'Azhar
Professeur Ahmed Al-Tayyeb  lors de la conférence internationale de l'Iftā' sur le thème "La Fatwa : Problèmes d'Actualités et Perspectives d'Avenir"

  Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux
Louanges à Allah. Paix et Bénédiction sur notre maître Muḥammed, sa famille et ses compagnons.
Chers Oulémas honorables ayant la sagesse et le mérite, spécialistes en matière de la Fatwa et des sciences religieuses, je vous souhaite la bienvenue dans votre deuxième pays, l'Egypte, terrain d'Al  Kinanah, et d'Al Maḥrūsa (protégé par Allah), à l'Azhar et Dar Al-Iftā’ Al-Miṣryah. Soyez les bienvenus dans cette conférence dont le thème est «"La Fatwa : Problèmes d'Actualités et Perspectives d'Avenir".  Un titre effectivement significatif car il montre explicitement la nécessité d'observer la réalité de la Fatwa et ses problèmes qui causent encore beaucoup de peines dans la vie des Musulmans.
Chers Oulémas honorables ! J'avais déjà exercé l'expérience de l'Iftā' pendant un an et demi à Dar Al-Iftā' Al-Miṣryah, au début de ce siècle qui a commencé avec un certain trébuchement et trouble : il hésitait entre progrès et rétrograde. Il prévoit jusqu'aujourd'hui plusieurs malheurs et catastrophes dont nous avons déjà connu les mauvaises prémices, mais nous ignorons ce qu'elles nous cachent encore dans l'avenir.
Bien que je n'aie jamais cherché à occuper le poste de Mufti et je n'y ai pas déjà pensé, la volonté divine me l'a accordé. Je craignais souvent d'occuper ce poste, non pas par manque jurisprudentiel et scientifique que maîtrise tout Azharite de ma génération qui avait passé 9 ans de sa vie en ayant étudié le Fiqh, jurisprudence musulmane, 5 cours par semaine. Mais, toute ma crainte portait sur le fait de rendre licite ce qui est illicite ou de rendre illicite ce qui est licite, ou encore de faciliter ce qui est difficile ou de compliquer ce qui est essentiellement simple.
            Je me consolais donc souvent par le hadith rapporté par le compagnon honorable 'Abd al- Raḥmān Ibn Samurah où le Prophète, à lui bénédiction et salut, lui a dit : "ô 'Abd al- Raḥmān! Ne demande pas le commandement : Si tu l'obtiens sans que tu ne le demandes, tu y seras aidé et, si tu l'obtiens sur ta demande, on t'en laissera toute la responsabilité."(Rapporté par Al Būkharī, N°6727).
 Je méditais et médite encore sur les secrets de ce poste dont l'influence est bien importante sur la vie des gens vu sa valeur prestigieuse  dans les cœurs des Musulmans à tel point que le mot prononcé par le Mufti tranche souvent toute controverse et met fin à toute divergence ou hésitation en ce qui concerne les questions qui font l'objet de Fatwa. Les Musulmans perçoivent toujours les Fatwas des Muftis confirmés comme s'ils faisaient partie de l'Islam vrai et indiscutable. Chose qui fait du processus de la Fatwa une responsabilité lourde et pénible que redoute toute personne craignant Allah et Son châtiment au Jour de la Résurrection.
A travers mes lectures dans l'histoire de l'Iftā’ et des Muftis, j'ai réalisé qu'éviter d'émettre des fatwas pour ne pas tomber dans l'erreur était l'outil de base dont se servait le Mufti et la source de sa quiétude et de sa satisfaction quand il donne des fatwas et des réponses aux gens. Cet outil constituait aussi un croisement de chemin où se perd complètement la fatwa qui hésite entre l'excès et le laxisme, la complication et le rigorisme sous prétexte de craindre de tomber dans le péché et d'imiter scrupuleusement les positions et les fatwas des prédécesseurs, entre la dilatation et la promulgation des autorisations sous couvert de la modernisation et de l'adaptation au développement. Les deux extrémités sont alors blâmables comme l'a dit un poète arabe ancien.
Par ailleurs, cette crainte a souvent entraîné à ce qu'on cesse de déployer des efforts de réflexion jurisprudentielle minutieuse en matière de la Fatwa et qu'on adopte une voie facile qui nous évite la peine de bien chercher pour adapter un cas aux textes en essayant d'en fouiller la sentence et la preuve tout en prenant en considération la réalité vécue.
De là, certaines fatwas stipulant l'autorisation ou l'interdiction, en matière des questions sociales contemporaines, n'exigent du chercheur que de se référer à ce qui a été déjà mentionné, par les prédécesseurs, dans des cas pareils, même si la relation entre les deux cas est très faible. Ainsi, le chercheur ne s'appuie que sur certains traits communs ou des similitudes bien faibles qui ne rendent pas identiques le cas en question et celui auquel on fait l'analogie, pour qu'on applique la règle rationnelle stipulant ce qui suit: " le jugement des cas semblables en ce qui concerne l'autorisation ou l'interdiction, est le même ». De plus, il est devenu habituel d'émettre, dans des questions qui oscillent entre la facilité et la difficulté, des fatwas adoptant la difficulté par prudence de tomber dans le péché, par prétention de barrer toutes les voies qui peuvent mener au mal (Sadd al-Ḏh̲arā’i‘) et par suivi du chemin des prédécesseurs, Salafs.             En effet, cette complication est celle que le Prophète nous a interdite et contre laquelle il nous a mis en garde dans son hadith : "facilitez et ne compliquez pas les choses !" (Hadith rapporté  par al-Bukhārī n°4867 et Muslim, n°1734, d'après Anas Ibn Malek). Il a même averti celui qui fait ainsi par le malheur et la perte en invoquant alors : "ô Allah ! Jette dans la peine et la difficulté quiconque prend en charge une partie des intérêts de ma nation et la soumet à la peine et à la difficulté…"(Hadith rapporté par Muslim n°1328, d'après ‘Aïscha, qu'Allah l'agrée.
Cette complication contre laquelle nous a mis en garde ce hadith concerne non seulement celui qui rend compliquée la vie des gens, mais elle s'applique parfaitement à celui qui le fait en émettant une fatwa légale qui leur rend la vie pénible et accablante, chose que la Charia est venue pour la supprimer. Certes, tout spécialiste en matière de la Fatwa apprend par cœur la règle indiscutable adoptée par les jurisconsultes et les Oulémas dans le domaine des fondements de Fiqh, qui stipule que "la sentence dépend intrinsèquement de sa raison d'être en cas de présence ou d'absence, si la raison d'être  existe, la sentence l'est aussi, et sinon, la sentence n'a pas lieu". Pourtant, il y a toujours des fatwas en matière de plusieurs questions qui oscillent entre licite et illicite, tout en laissant les gens perplexes entre la quiétude et l'inquiétude.
Je cite , à titre d'exemple, la question de l'acquisition d'artefacts et des statues ou le fait de gagner sa vie en exerçant le métier de photographe, dans le cadre de ce qu'on a déjà vu hier et aujourd'hui à l'écran, à savoir la destruction des monuments à une grande valeur historique aux yeux de l'art contemporain, au nom de l'Islam et de sa Charia. On n'a jamais entendu parler d'une assemblée jurisprudentielle qui a convoqué les jurisconsultes contemporains et des Oulémas de Fatwa dans notre monde musulman, pour discuter la sentence légale relative à cet incident. Et dans le cadre des changements mondiaux et des traditions établies pour créer des facultés d'Archéologie, de Beaux-arts et du Tourisme, les Musulmans se sont trouvés perplexes devant cette question des statues façonnées : sont-elles de simples artefacts et donc il n'y a aucun inconvénient, du point de vue religieux, de les acquérir ou bien sont-elles des idoles qu'il est interdit au Musulman d'acquérir dans tous les cas ? Il y a même certains spécialistes en matière de Fatwa, qui soutiennent encore l'interdiction catégorique  de ces statues, alors que c'est une question qui mérite plus de recherche, d'examen et de  vérification surtout en ce qui concerne la présence ou l'absence de sa raison d'être. Un processus qui devrait précéder l'émission de ces sentences qui pourraient se présenter comme des prescriptions divines, commandées par le Législateur, sans en concevoir le sens  et la raison d'être.
          En effet, l'interdiction de fabriquer des statues était justifiée, au début de l'Islam, par le fait que les arabes avaient, à cette époque-là, l'habitude d'adorer et de fabriquer les idoles tout en les prenant comme divinités à adorer en dehors d'Allah. Il était donc prévu, voire même inévitable, que la religion musulmane interdise sa fabrication pour barrer la route qui peut mener au mal, tarir les sources du paganisme et protéger ce nouveau né, à savoir le monothéisme, Tawḥīd. Et s'il en était le cas, quelle est donc à présent la raison d'être de cette interdiction, au moment où l'Islam s'est affermi, où le monothéisme  s'est enraciné dans les esprits et les cœurs et où l'adoration des idoles a disparu.
En outre, tout au long de l'Histoire musulmane, presque 15 siècles à partir de l’Hégire, nous n'avons ni entendu ni lu qu'un Musulman, qui a prononcé l'attestation de foi, a adoré une statue en dehors d'Allah et l'a prise comme associée avec Lui, prétend observer toujours son Islam. Ceci est tout à fait difficile voire impossible comme le prouvent les textes de l'Islam. A ce propos, le Prophète, à lui bénédiction et salut, nous a rassurés, avant son décès, en jurant dans un Hadith, rapporté par al-Bukhārī n°1344 et Muslim n°2296. Dans ce hadith, ‘Uqbah Ibn ‘Āmer, qu'Allah l'agrée, dit: "un jour, le Prophète, à lui bénédiction et salut, sortit pour aller faire la prière funéraire sur les martyrs de la bataille de 'Uḥud. Ensuite il se rendit à l’estrade et dit: « Moi, je vous devancerai et serai votre témoin (au Jour de la Résurrection). Par Allah, je vois dès maintenant mon Bassin (au Paradis). J'ai reçu les clés des trésors de la terre - ou selon une autre variante les clés de la terre. Par Allah, je ne crains pas qu'après (ma mort) vous redeveniez polythéistes; ce que je redoute seulement, c'est que vous vous querelliez pour (la possession) des biens de ce monde".
En vertu de ce sermon, les allégation de certains extrémistes, qui prétendent craindre que les Musulmans tombent dans le polythéisme, deviennent ainsi sophistiques et vides de sens, voire même des futilités qui gaspillent de l’argent, des efforts et du temps, sans même parler des effets néfastes qui provoquent  la sédition entre les Musulmans et approfondissent la division et la discorde.
          Chers Oulémas honorables! Spécialistes en matière de l'Ijtihād et de la Fatwa! J'estime que réexaminer ce genre de questions  constitue votre devoir à remplir envers les Musulmans. Si vous trouvez un texte parfaitement explicite qui n'est pas susceptible de multiples interprétations, alors il n'y a donc lieu de parler ni de vérification ni de renouvèlement ni de l'Ijtihād. Car dans ce cas, le Musulman n'a que faire preuve de soumission totale à l'ordre d'Allah et de Son Prophète. Par contre, s'il n'y a pas de texte parfaitement indiscutable, alors la responsabilité devant Allah implique de faciliter les choses pour les Musulmans d'aujourd'hui tant que ceci s'inscrit dans le cadre des finalités suprêmes de la Charia et les règles de base du Fiqh. A ce propos, il faut éviter à la fois l'imitation aveugle et la rigidité consistant à adopter le sens apparent des textes sans prévoir les horizons menant à faciliter, à dissiper la peine et à mettre en considération les circonstances de manière à les envisager et à les adapter à la réalité vécue.
Chers Oulémas honorables de Fatwa! Je n'ai pas besoin de vous rappeler que le laxisme en matière des fatwas de Takfīr , de Tafsīq  et de Tabdī‘, tout en fouillant, dans notre patrimoine, les textes irréguliers pour soutenir de telles fatwas, nous a menés à ce que vous voyez actuellement du meurtre et du versement de sang sacré, au nom du Takfīr et de l'apostasie.
         Ce qui a attiré, aussi, mon attention, c'est la question de la "coutume" et ses effets extrêmement dangereux sur l'adaptation de la Fatwa et sa déviation vers la rigidité et la complication. Le danger gît dans la règle prévoyant que "La Fatwa varie selon la coutume", une règle qui est devenue presque négligée et rarement mise en application. Même si on l'applique, on tient souvent compte de la  coutume d'un pays donné qui cherche à généraliser ses Fatwas pour l'imposer à un autre pays où cette coutume est absente, chose qui sème le chaos et la confusion parmi la population. Cela arrive quand les Oulémas d'un pays essayent d'émettre indépendamment une Fatwa différente appropriée à leurs usages et à leurs coutumes, ou pire encore, quand il y a une division profonde  entre deux parties dont chacun suit la Fatwa de son pays alors que l'autre suit la Fatwa d'un autre pays. La situation ne s'arrête pas là car les uns et les autres se précipitent pour s'accuser respectivement d'erreur, ou encore, de perversité et d'hérésie ou bien de rigorisme et de pédantisme. La raison de ce malheur est le fait d'imposer la Fatwa d'un pays donné à d'autres pays qui n'ont pas les mêmes coutumes.
Notre Cheikh, le jurisconsulte spécialiste en matière des fondements du Fiqh, l'éminent savant Ahmed Fahmi Abū Sinna, avait confirmé dans son ouvrage unique, traitant sa théorie de la législation islamique, intitulé : "al-‘urf wa al- ‘Adah fi ra’y al-Fuqaha’ (l'usage et la coutume selon les jurisconsultes) que la coutume est l'une des sources de la législation islamique dans la mesure où elle change et varie selon les circonstances. Il s'agit ici d'une prémisse préliminaire indiscutable et indéniable. Il y ajoute également une autre prémisse où il précise l'attitude du législateur à propos de ces coutumes et traditions: "si le législateur, dit justement le cheikh, avait donné au sujet d'un cas, une sentence détaillée, les hommes auraient été affrontés aux difficultés et aux défis, ce qui va à l'encontre des finalités de l'Islam visant à réaliser les intérêts des hommes (p. 44).
A ce propos, le Coran dit : "Nous ne t'avons envoyé qu'en miséricorde pour les univers" (Sourate al-Anbiā’, les prophètes, V.107). S'Il a légiféré maintes sentences s'adaptant aux intérêts et circonstances variables, les hommes auraient été soumis aux maintes obligations, qui leur rendent  difficile de les ajuster et de les perfectionner. Chose qui va à l'encontre de la Chari`a fondée sur une base solide à savoir: "la réduction des obligations"… Raison pour laquelle, la sagesse de l'Omniscient a établi des dispositions concises et globales qui ne changent pas selon les divers circonstances et conditions. C'est aux Oulémas versés dans les sciences religieuses d'adapter ces dispositions aux incidents survenus (…) C'est l'une des grandes branches de la coutume, sur laquelle est basée une partie importante des sentences et aucun juriste ne pourrait jamais les nier. Cette règle a également mis en évidence la grandeur, la majesté et la validité de la Chari`a pour tout temps et tout lieu (Ibid. P. 69).
A cet égard, l'éminent cheikh a ajouté également, à cet égard, que l'Islam tient compte de la bonne coutume en vue de faciliter aux gens d'accepter les prescriptions divines et de les appliquer sans être gênés ou mis dans l'embarras. De là, la bonne coutume a donc un effet considérable dans la législation musulmane.
Chers Oulémas honorables! Ce que j'ai dit à propos de l'acquisition des artefacts sous forme des statues n'est pas la seule question à aborder dans la vie des musulmans au 15ième siècle de l'Hégire. En effet, il y a tant de questions dont l'importance varie d'un cas à l'autre. Les unes sont essentielles et vitales alors que d'autres sont marginales et accidentelles, mais, délibérément gonflées, par des Fatwas rigoristes en vue de détourner les  musulmans de la place qu'ils méritent d'occuper parmi les nations. Par exemple, est-il alors raisonnable que la question de l'accès de la femme à la fonction de juge - et d'autres questions encore - fait encore l'objet d'une grande divergence surtout dans un moment où la femme est devenue, aujourd'hui, officier, pilote, professeur à l'université, ministre... Les sentences relatives à la femme, à la lumière de ces coutumes variées, sont-elles pareilles à celles de l'époque où la femme honorable et chaste était celle qui restait toujours enfermé dans les châteaux, les maisons ou bien les tentes.
Chers Honorables Oulémas ! Je ne voudrais pas m'étendre trop longuement sur le sujet, mais la responsabilité est lourde. Que de souffrances humaines, que de familles disloquées, que de maisons détruites à cause des Fatwas stéréotypées et des sentences fondées sur des coutumes adéquates à un milieu donné et inadéquate à un autre milieu. De telles Fatwas se transmettent littéralement, comme si la législation s'est arrêtée à un moment donné ou un espace géographique tel.
D'ailleurs, comment ces Fatwas incompatibles avec le temps et l'espace ne prennent-elles pas compte des Versets coraniques et des Hadiths du Prophète qu'on apprend par cœur, comme par exemple: " Allah n'impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité". (Surate al-Baqara, la Vache, V.286), " Allah ne veut pas vous imposer quelque gêne".  (Al-Ma’ida, la Table servie, V.6). à ce sujet, ‘Aïsha, qu'Allah l'agrée, a dit : " Chaque fois que le Prophète, à lui bénédiction et salut, avait à choisir entre deux options dont l’une était plus facile que l’autre, Il choisissait la plus facile tant qu’elle ne comportait pas de péché". (Hadith rapporté par Muslim).
          De même, comment ne prennent-elles pas en considération ce qu'ont déduit les grands oulémas du fiqh et de ses fondements. Ces règles sont les suivantes :
1-    La coutume fait loi.
2-    La difficulté entraine la facilité.
3-     Plus l'affaire se complique, plus elle s'élargit.
4-    Les coutumes établies sont pareilles aux conditions exigées.
5-    La Fatwa varie selon le temps, le lieu, les conditions et les personnes.
        Dans son ouvrage intitulé "al-Iḥkām fi Tamyīz al-Fatwa 'An al-Aḥkām wa taṣarrufāt al-Qādi wa al-’imām (les propos précis aidant à distinguer la sentence de la fatwa et les attitudes du juge et de l'imam)", le philosophe de la jurisprudence malékite, Shihāb al-dīn al-Qurāfī, a énoncé des mots d'or qui aident à se libérer de mauvaises conséquences issues de la Fatwa en disant :
" Lorsqu' un mufti reçoit un homme qui lui demande une fatwa, sans être au courant de son milieu, il ne doit pas lui donner sa fatwa habituelle avant de lui demander d'où il vient et s'il y a des coutumes spécifiques chez lui par rapport au terme utilisé dans la Fatwa ou pas ? Si ce terme est bien connu chez lui, alors le mufti doit vérifier si la perception de ce terme chez cet homme est identique à celle du milieu du mufti ? Cela représente une règle qui ne fait pas l'objet de divergence entre les Oulémas. De plus, s'il y a deux coutumes appartenant à deux pays différents, alors la sentence ne sera pas la même » (Editions du cheikh Abd al-Fattāḥ Abū ghuddah, Alep, P. 232).
De même, il dit dans son ouvrage "al-Furūk, 1/176-177" :
" Tenez compte de toute évolution en matière de coutumes, faites tomber ce qui en est négligé. Ne suivez pas littéralement, tout au long de votre vie, ce qui est énoncé dans les livres. Si un homme est venu vous demander une fatwa alors qu'il ne fait pas partie de ton pays, ne lui imposez pas la coutume du vôtre, mais renseignez-vous sur la coutume de son pays, et donnez-lui votre fatwa en vous basant sur cette coutume et pas sur la vôtre ou sur ce qui a été noté dans vos livres. Ceci est le bon chemin à suivre. Car, en vérité, suivre littéralement des écrits traditionnels constitue une déviation en matière de la religion et une ignorance des objectifs des Oulémas musulmans et des ancêtres".
        Chers Oulémas honorables! Le moment est venu pour ressusciter les trésors de notre majestueux patrimoine tout en la débarrassant de mauvaises compréhensions qui ont privé les gens de se servir de la facilité et de la Charia. Pour émettre une Fatwa, il faut profiter de la bonne compréhension qui, d'une part, assure le respect des gens à la charia, et d'autre part, empêche le juriste et le mufti d'imposer aux gens ce qu'ils ne peuvent pas assumer. D'ailleurs, de telle bonne compréhension nous évitent le laxisme visant à rendre licite et à encourager les gens à se libérer des principes de la religion.
Chers Oulémas honorables! Je  vous prie de m'excuser d'avoir été aussi long. Je souhaite qu'une telle conférence soit un bon présage d'une nouvelle ère de Fatwa où l'on établit les priorités et tient compte des coutumes et des finalités. En l'occurrence, on peut faire face aux défis du monde et à son évolution en adoptant des Fatwas permettant de créer les bases d'une société sûre et stable, à la lumière de la charia musulmane qui est valide pour tout temps et tout lieu.
Merci pour votre attention.
Assalamu ‘Alaykum Wa raḥmatu Allāhī Wa barakātuh.
                                                                      Cheikh d'Al Azhar
                                                                                  Ahmad al-Tayyib          
Fait  à Mashiakhat Al Azhar
le  1er  Dhu al-Qa‘idah 1436 h./ 16 août 2015 Ap. J-.C.

 

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