Communiqué de l’Observatoire d’al-Azhar à propos du Manifeste « Contre le nouvel antisémitisme »

  • | Tuesday, 24 April, 2018
Communiqué de l’Observatoire d’al-Azhar à propos du Manifeste « Contre le nouvel antisémitisme »

Nous avons suivi avec attention la polémique provoquée par le manifeste « Contre le nouvel antisémitisme », signé par 300 personnalités françaises, où l’on demande aux autorités religieuses de frapper d’obsolescence certains versets coraniques « appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants {…} afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime ». Un manifeste qui accuse explicitement certains versets coraniques d’être la source de la violence. Et c'est une déclaration qui nous a beaucoup choqués. Considérer le Coran comme la source de la violence est une accusation grave qui ne se base sur rien de solide : il y a une grande différence entre l’énoncé de certains versets coraniques et leur interprétation, une règle que tous les islamologues et les spécialistes en matière d’herméneutique savent très bien. Pour comprendre le sens d’un verset coranique, il ne faut jamais se contenter de son sens apparent, mais il faut respecter les critères établis par les savants musulmans à ce propos. Parmi ces critères, nous citons : savoir le contexte historique du verset, ses « causes de révélation », son caractère général ou restreint, … en plus d’une connaissance profonde de la langue arabe.
Pour mieux comprendre l’importance de l’application de ces critères, prenons à titre d’exemple le verset 14 de la sourate 9, At-Tawbah : « Combattez-les. Allah, par vos mains, les châtiera, les couvrira d’ignominie, vous donnera la victoire sur eux et guérira les poitrines d’un peuple croyant ». Ce verset parle généralement des polythéistes : son sens apparent donne l’impression que Dieu ordonne les musulmans de combattre tous les polythéistes, y compris les juifs et les chrétiens. Un petit recul vers le verset précédent rend les choses plus claires : « Ne combattrez-vous pas des gens qui ont violé leurs serments, qui ont voulu bannir le Messager et alors que ce sont eux qui vous ont attaqués les premiers ? Les redoutiez-vous ? C’est Allah qui est plus digne de votre crainte si vous êtes croyants ! ». Un peu encore en arrière nous trouvons : « Et si, après le pacte, ils violent leurs serments et attaquent votre religion, combattez alors les chefs de la mécréance - car, ils ne tiennent aucun serment - peut-être cesseront-ils ?» et « Ils ne respectent, à l’égard d’un croyant, ni parenté ni pacte conclu. Et ceux-là sont les transgresseurs ». Le contexte du verset paraît donc de plus en plus clair : l’ordre de combat n’est pas adressé contre tous les polythéistes, mais plutôt contre certains nombres d’eux qui ont commencé à transgresser les musulmans à l’époque et à violer les pactes conclus entre eux. Une petite analyse linguistique montre qu’il y a une grande différence en arabe entre le verbe arabe Qatla (tuer) et « Qatala » (combattre un agresseur), le dernier verbe donne linguistiquement le sens d’une réaction alors que le premier donne  le sens d’une action. Dans ce verset, toujours 14, le verbe utilisé est plutôt « Qatala », et c'est ce qui confirme qu’une telle sentence concerne plutôt un cas de self-défense après une attaque ou une trahison et non pas un appel « au meurtre ou à la violence » comme peuvent le penser les signataires de ce manifeste.
En bref, il est très important de distinguer entre l’énoncé des versets coraniques et leur interprétation eronnée ou application fautive par certains individus ou groupes extrémistes se réclamant de l’Islam. Enfin, l’Observatoire d’al-Azhar appelle les signataires de ce manifeste à revoir leur attitude tout en évitant de politiser cette question qui doit faire l’objet d’étude et d’analyse plutôt que de débats médiatiques.

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