Le droit de la femme aux acquêts

  • | Tuesday, 22 February, 2022
Le droit de la femme aux acquêts

Le droit de la femme aux acquêts[1]

Suite à l’appel lancé par son Éminence le Grand Imam d’Al-Azhar à rétablir #le_droit_de_la_femme_aux_acquêts, le Centre d’Al-Azhar pour les Fatwas met au clair de quoi il s’agit.

 

1.     Al-Azhar joue, depuis plus d’un millénaire, un rôle de premier plan dans l’éclaircissement du patrimoine musulman, la rénovation des sciences et des questions religieuses, et le suivi des nouveautés de manière à prendre en considération l’évolution du temps et des conditions de vie des hommes. Il jette ainsi sur le patrimoine musulman un regard qui allie l’originalité à la modernité, loin de toucher aux principes de base de la religion.

2.     Lors d’un épisode du programme télévisé intitulé « L’Imam At-Tayyb » diffusé au mois de Ramadan, son Éminence le Grand Imam a appelé au maintien du droit de la femme aux acquêts, c’est-à-dire à la fortune de son mari. Plus tard, Al-Azhar a réitéré son appel au rétablissement de cette fatwa dans le communiqué de clôture de sa conférence internationale sur le renouvellement de la pensée musulmane en janvier 2020, disant : « Il faut rétribuer celui ou celle qui a contribué au développement de la fortune familiale, comme l’épouse qui a contribué financièrement ou les fils ayant travaillé avec leur père : un montant équivalent de leurs apports doit être retiré avant la répartition des successions. Si ce montant n’est pas déterminé, c’est aux parties concernées d’en convenir à la lumière de l’avis des experts et sages.

3.     Le droit de la femme aux acquêts est une fatwa très ancienne qui tire son origine jurisprudentielle des sources de la loi islamique établissant l’indépendance financière de la femme. Allah – Exalté soit-Il – dit : « aux hommes la part qu’ils ont acquise, et aux femmes la part qu’elles ont acquise » [Sourate An-Nisā‘ (Les Femmes) : verset 32]. De même, le Calife ‘Umar Ibn Al-Khaṭṭāb – qu’Allah l’agrée – a jugé de verser à une femme sa part de fortune qu’elle avait aidé son mari à développer, et ce avant la répartition des successions. Ensuite, de nombreux juges et juristes, au cours des siècles, ont adopté et rendu le même jugement, surtout les juristes de l'école malikite.

4.     Tout au long de son histoire, Al-Azhar Al-Sharif émet des fatwas, approuvées par le Fiqh, partant de la nécessité de préserver les droits des contributeurs à la formation et à la croissance des richesses et des patrimoines. La revivification de la fatwa du « droit de la femme aux acquêts » a pour objectif d’empêcher les violations commises à cet égard, surtout dans ces jours où les femmes jouent un rôle important à la croissance des richesses de leurs maris, mais encore parce que leur participation au marché du travail a été augmentée.

5.     Certes, le « droit de la femme aux acquêts » n’est pas un droit particulier pour les femmes, mais plutôt pour toute personne qui a contribué avec son argent ou ses efforts au développement de la richesse de quelqu’un, comme le fils ou la fille lorsqu’ils contribuent au développement de la richesse de leur père par l’argent et par le travail ou par l’un d’eux, et comme le neveu lorsqu’il contribue au développement de la richesse de son oncle, et ainsi de suite.

6.     Le « droit de la femme aux acquêts » est un droit de la femme à une part de la richesse de son mari lorsqu’elle participe à la croissance de cette richesse par son argent, ses efforts ou par les deux. Parmi les formes de participation pratique : son travail corporel (physique) avec lui, dans une usine, une entreprise ou dans un artisanat, etc. Parmi les formes de sa participation financière : ses dons obtenus de son père ou d’un quelconque, son héritage, son salaire, son douaire de mariage, ses biens, ses bijoux, etc. qu’elle possédait, et qu’elle avait la responsabilité financière indépendante que l’islam lui avait décidée et garantie.

7.     « Le droit de la femme aux acquêts » est un droit dû à l’épouse et n’est pas à évaluer selon une proportion ; une moitié ou un tiers par exemple, de la fortune de son époux, mais par selon le montant de l’argent que la femme avait ajouté au capital de son mari, les bénéfices de cet argent ainsi que le son salaire et son effort déployé avec lui. En même temps, la femme a le droit de revendiquer la totalité de son droit aux acquêts ou seulement une partie de celui-ci. Elle a aussi le droit d’en exempter le mari.

8.     Fait partie de l’équité du mari et de la bienfaisance envers sa femme est de lui donner son droit dû dans la fortune qu’elle a participé à développer pendant sa vie pour qu’elle l’ajoute à son propre compte.

9.     L’épouse a le droit de convenir avec son mari à rédiger un contrat qui prouve son droit dû à son travail ou à son argent avant ou après sa participation avec lui au développement de la fortune soit par l’effort ou par l’argent. S’ils ne registrent pas le droit dû de la femme, la confirmation serait à travers les règles établies par la Charia, par loi ou selon les coutumes.

10.   « Le droit de la femme aux acquêts » n’est pas lié à la dissolution du lien matrimonial soit par le décès ou par la séparation. En revanche, la femme a le droit de les revendiquer ou bien en exempter son mari, durant sa vie et tant que le lien matrimonial est encore établi. À L’origine, ce sont des biens inscrits au nom du mari pour la simple raison qu’ils vivent en commun et que leurs intérêts sont unis.

11.   En cas de décès du mari, et même avant la répartition des biens du mari décédé, la part due à la femme aux acquêts doit lui être restituée au même moment d’acquitter des dettes, sans tenir compte de la part due à la femme de l’héritage de son mari ; qui sera le quart si son mari n’a pas d’enfants, ou le huitième s’il a des enfants.

12.   Le Droit de la femme aux acquêts ne concerne que le travail et les transactions financiers des deux époux s’ils partagent le capital et l’effort, ou seulement un des deux.

13.   Le travail domestique de la femme ne lui donne pas à la femme le droit à revendiquer une part aux acquêts, car le travail de l’homme hors du foyer est un service externe rendu à sa femme et à sa famille afin de leur garantir des subventions, alors que le travail domestique de la femme est un service interne qu’elle exerce au profit de son mari et de ses enfants afin que la sérénité soit réalisée dans la vie conjugale.

14.   Le mari s’engage, selon l’islam, à subvenir aux besoins de sa femme selon son aisance ou sa pauvreté. Cet engagement ne remplace pas son droit aux acquêts lorsqu’elle participe à la formation de la fortune de son mari de la manière susmentionnée.

15.   Le lien conjugal est un lien de sérénité de complémentarité, basée sur l’affection et le pardon. Il n’est ni un lien de rivalité ni d’investissement, ni de matérialisme opportuniste. Il n’est pas approprié que le caractère sacré du mariage et la classe noble qu’occupe la femme soient déformée en traitant la femme comme si elle est une salariée dans sa famille, en lui donnant un salaire précis en contrepartie de prendre soin de son mari et de ses enfants. Le mari doit honnêtement assumer la responsabilité de subvenir aux besoins de toute la famille.

16.   L’Islam a établi la vie conjugale sur la base de la compassion et la bonté. Il répartit les rôles et les tâches en proportion selon la nature, les compétences et les capacités de chaque conjoint. L’islam a précisé minutieusement ce qui doit être le but de cette vie conjugale et ce qui doit être un moyen par lequel on atteint les autres buts selon une équité merveilleuse et unique.

17.   Il est inadmissible de transformer les appels d’al-Azhar à la préservation des droits et à la promotion de la justice au sein de la famille en slogans racistes et en mesures préjudiciables qui appelle à l’égalité injuste dans laquelle il n’y a pas de justice, favorisant la polarisation et la rivalité entre les conjoints, et exposant le mariage sous une forme matérialiste et répulsive qui ne contient ni affection ni accommodement. Cela contrarie les enseignements des religions, la nature humaine et les valeurs d’une société stable. Nous pouvons constater les inconvénients et les mauvaises conséquences de ces appels dans des sociétés où beaucoup de jeunes s’abstiennent du mariage et de la fondation d’une famille.

 

[1] En arabe : ḥaqq al-kadd wa al-si‘āyah ; qui veut dire : un droit personnel constitué par les apports des associés dans une société coutumière pour développer ou créer le patrimoine familial ; en contrepartie, ils ont droit à une partie des revenus proportionnelle au montant de leur apport estimé au moment du partage des biens

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